Portrait de Léonie Larcier, retour d'expérience d'une étudiante en situation de handicap et son quotidien à l'EPF
Léonie, qui es tu ?
Je m’appelle Léonie. Je suis troyenne. J’ai fait la totalité de ma scolarité en milieu ordinaire sans aménagement du volume horaire. J’ai eu mon BAC avec mention en 2015.
Pourquoi avoir choisit l'EPF ?
Initialement, je voulais faire des études d'architecture. Cependant, après en avoir parlé avec des étudiants en école d'architecture, j'ai conclu que ce n'était pas pour moi. Il me fallait un emploi du temps stable par rapport à mes contraintes médicales donc ça aurait été très compliqué à gérer au niveau de l'organisation. De plus, ils m’ont expliqué qu’il y avait beaucoup de maquettes à réaliser or les travaux manuels, c’est difficile à faire pour moi. Donc j’ai cherché ailleurs et j’ai fini par tombée sur l’EPF et sa filière orientée en bâtiment. Ce qui m’a plu, c’était ce côté pluridisciplinaire. Je n’avais pas d’idée arrêtée sur ce que je voulais faire donc ce côté « touche à tout » m’intéressait parce que cela me donnait du temps pour nourrir mon projet et ça me permettait « d’essayer » un large panel de disciplines.
Quel est ton projet professionnel ?
Je n’ai pas d’idée parfaitement arrêtée sur ce que je souhaite faire après. Je suis intéressée par un grand nombre de métiers du secteur de la construction. Cependant, je sais que je souhaite travailler dans un domaine lié à une construction plus durable et respectueuse de l’environnement.
Quel est ton parcours à l'EPF ?
J’ai fait mes 5 années sur le campus de Troyes. D’abord mes 3 années de tronc commun puis j’ai choisi la Majeure « Bâtiment et Eco-cité ». Je voulais une formation qui me permette de faire aussi bien de la structure que de la thermique, de l’urbanisme et de l’architecture tout en restant dans le secteur du bâtiment.
Comment s'est passée ton intégration dans l'école et comment as tu perçu l'accompagnement des enseignants et du personnel administratif ?
Dans l’ensemble, mon intégration dans l’école s’est bien passée. L’esprit d’équipe et l’entraide sont des valeurs importantes au sein de l’EPF. J’ai eu la chance d’être avec des étudiants qui comprenaient que, par moment, j’avais besoin de leur aide.
J’ai été la première étudiante en situation de handicap sur le campus de Troyes. Que cela soit les enseignants ou les personnels administratifs, tous ont toujours fait preuve de bienveillance vis-à-vis de moi et de mon handicap.
As-tu rencontré des difficultés durant ton cursus et comment as tu surmonté ces difficultés ?
J’ai surtout eu des difficultés par rapport à la gestion du temps. Ça a été plus particulièrement le cas en 2e année où la charge de travail a été très importante par rapport au temps disponible. Ça a été difficile à gérer dans le sens où, du fait de la charge de travail conséquente plus mes contraintes médicales, c’était une course contre la montre au quotidien.
Ma seconde difficulté a été la gestion de la fatigue pendant cette même période. A cause de ma pathologie, je me fatigue plus vite que la plupart des gens. Du fait de la grosse charge de travail, il était plus difficile de gérer ma fatigue au quotidien.
Enfin, la troisième difficulté que j’ai connue concernait les démarches administratives telles que pour les aménagements pour le TOEIC ou les demandes de bourses ERASMUS+. Ce sont des démarches vraiment spécifiques et peu réalisées du fait du petit nombre d’étudiants en situation de handicap. Par conséquent, trouver les bons interlocuteurs pour avoir les informations souhaitées n’a pas été simple.
Quelles sont tes plus belles réussites durant tes années EPF ?
La première de mes réussites – ou du moins celle dont je suis la plus fière – est mon expérience ERASMUS au Royaume-Uni pour mon stage élève ingénieur de 4e année. J’ai été la première étudiante de l’EPF en situation de handicap à partir en stage à l’étranger et j’ai été la première à demander et à obtenir une bourse ERASMUS+ pour le réaliser. Partir un semestre à l’étranger était un projet qui me tenait à cœur, j’avais besoin de me prouver que je pouvais le faire pour prendre confiance en mes capacités.
Ma seconde grande réussite, c’est d’avoir réussi à sensibiliser autant de personnes aux contraintes liées au handicap. Une personne valide ne « voit » les contraintes posées par le handicap que dès lors qu’elle y est directement confrontée et qu’elle doit trouver une solution pour contourner le problème. Ce genre de mise en situation s’est présentée à de nombreuses reprises durant mon cursus et je pense que ça à donner une meilleure illustration de ce à quoi je suis confrontée tous les jours. Que ce soient des étudiants de l’EPF ou même des membres de l’administration ou des enseignants, je ne m’attendais pas à ce qu’autant de monde prenne conscience des difficultés que présente le handicap dans le quotidien juste en étant en contact avec moi.
Peux tu nous raconter comment s'est déroulé ton stage à l'étranger ? Comment ton handicap a été abordé par l'entreprise ?
J’ai réalisé mon stage élève ingénieur (stage de 4e année) au Royaume-Uni. Je suis partie 4 mois et demi à Leicester et cela s’est très bien passé. J’ai travaillé pour la ville de Leicester sur un projet d’aménagement urbain. J’ai été très bien accueillie au sein du service que j’ai intégré. J’ai été la première stagiaire handicapée dans ce service mais mon handicap a été abordé sans difficulté. Ce qu’il faut savoir, c’est que les bâtiments de la fonction publique sont tous accessibles PMR au Royaume-Uni. C’est une obligation en vigueur depuis longtemps déjà. L’un des seuls problèmes que j’ai rencontrés concerne les portes intérieures donnant sur les bureaux. Ne pouvant pas les ouvrir, mon tuteur a mis en place une sonnette dans le bureau que je pouvais actionner grâce à une télécommande. En amont de mon arrivée, mon tuteur s’était renseigné pour savoir ce qu’il devait vérifier avec moi notamment en termes de sécurité incendie. Afin de m’aider à préparer mon arrivée, il a sollicité l’aide d’une de ses collègues elle-même en situation de handicap. L’idée était que je puisse lui demander des conseils.
C’était la première fois que je partais loin de ma famille. Ce séjour à l’étranger me tenait à cœur car il représentait un défi que je devais relever. Pour moi, c’était un test pour savoir si c’était capable de me débrouiller sans ma famille. Cette expérience m’a beaucoup apportée de ce point de vue. En plus de tout ce que j’ai appris dans le cadre de mon stage, j’ai pu devenir indépendante et surtout j’ai pris confiance en moi.
Quel conseil pour les personnes en situation de handicap qui souhaitent faire des études d'ingénieur ?
Si je devais donner un conseil, ce serait de ne pas avoir peur d’avoir des projets et des ambitions et de vouloir les réaliser quitte à devoir sortir des sentiers battus pour y parvenir. Savoir être créatif pour répondre à un problème, c’est la première notion qu’on apprend en école d’ingénieurs.