Violences sexistes sur les campus : réagissons : l'engagement de l'EPF

Mis à jour le 14/10/2021
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A l'occasion du séminaire Violences sexistes sur les campus : réagissons, organisé ce vendredi 3 juillet en partenariat avec WomenVai, HeHop et avec le soutien de Onu Femmes France, Jean-Michel Nicolle, directeur général de l'EPF a rappelé les engagements que doivent prendre les établissements d'ensignement supérieur en ce domaine. 

Retrouvez ci-dessous son message : 

 

"Mesdames et Messieurs,

La CGE a annoncé le 4 juin 2020, après sept années de réflexion, d’actions et d’engagement", la publication de son "premier livre blanc sur l’égalité femmes-hommes", intitulé "De la déclaration d’intention à l’expérimentation". Cet ouvrage présente, "au travers de retours d’expérience et de témoignages, des pistes de réflexion et des exemples de mise en œuvre : engagements communs des établissements, stratégie égalité au quotidien, agir avec et pour les étudiantes et les étudiants, la recherche, vecteur du changement".

Les auteurs formulent ensuite "cinq propositions d’actions pour ancrer l’égalité femmes-hommes dans le quotidien des établissements" :

  • porter un regard lucide et sans concession sur le fonctionnement des établissements membres de la CGE en produisant régulièrement un diagnostic objectif,
  • formaliser une stratégie et un plan d’actions,
  • faire des grandes écoles des modèles d’organisation égalitaires et inclusives,
  • lutter contre toutes formes de discriminations et de violences sexiste et sexuelle,
  • envisager les écoles membres de la CGE comme des communautés d’échanges et de débats, moteurs de changements."

C’est dans les établissements d’enseignement supérieurs que murissent celles et ceux qui demain formeront la classe dirigeante. L’enjeu principal des années de formation c’est l’intégration dans le monde du travail et principalement dans celui de l’entreprise

C’est donc à la fois un lieu et un temps où doivent se construire les consciences.

On peut s’interroger pourquoi, encore trop souvent, dans notre société du 21ème siècle, certaines activités dont les activités festives enseignent les rapports de pouvoir, en particulier sexistes ?,

La psychologue clinicienne, également sage-femme et chercheuse associée au laboratoire de Psychologie clinique, psychopathologie et psychanalyse de l’université de Paris, Roxane Dejours, auteure en 2016 d’une thèse intitulée « Classes préparatoires, grandes écoles et entrée dans l'âge adulte : entre renoncement pulsionnel et sexualité » analyse, dans un article de recherche récent, les "rapports sociaux" qui s’établissent lors des activités festives en grandes écoles.

Ce thème fait écho aux récentes affaires de harcèlement, sexisme ou homophobie qui ont concerné des écoles de commerce ces derniers mois.

Elle montre comment les fêtes, leurs excès, "sciemment tolérés auraient pour fonction de "créer un esprit de corps", mais aussi d'apprendre les pratiques de sociabilité inhérentes à la condition dirigeante" et les "rapports de pouvoir", "en particulier sexistes".

Elle voit dans ces comportements des "rouages indispensables à la pérennisation de la domination des hommes sur les femmes".

En grande école, les rapports filles/garçons sont marqués par les stéréotypes de genre dans lesquels les femmes tendent à être dévalorisées. Il suffit d’entendre le vocabulaire utilisé lors des fêtes ou WEI, dans lesquels les attaques sexistes et le harcèlement sexuel ne sont jamais très loin.

D’ailleurs, dans son Rapport annuel sur l’état du sexisme en France publié en 2019, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qualifiait les grandes écoles de "bastions virilistes et un creuset de sexisme vers le monde de l’entreprise.

Face à ces débordements, que font les écoles ? Des mesures ont bien été prises dans trois registres depuis la fin des années 1990 : la répression avec les lois interdisant les bizutages et les open bars mais surtout la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, celui de la prévention avec les chartes de bonnes pratiques et enfin le suivi psychologique individuel.

Mais il manque dans certaines institutions universitaires un maillon essentiel : l’engagement de l’administration de l’école à s’opposer fermement au contournement trop fréquent des interdictions officielles. Les raisons ne tiendraient ni à « l’indulgence inconsidérée des responsables d’établissement", ni par à leur incompétence à faire respecter les règles", mais tiendrait selon Roxane Dejours aux "usages sociaux en particulier des pratiques d’alcoolisation" qui sont dans de nombreux cas la source de comportement répréhensibles.

Ces comportements sont systématiquement banalisés et mis sur le compte d’un « humour potache », donc jamais reconnus pour ce qu’ils sont, ni par les étudiants responsables bien sûr, ni par la direction de l’école, ni même parfois par les étudiantes elles-mêmes", écrit-elle. Les filles qui se rebellent sont considérées comme "des rabat-joie".

Plus encore, la lutte contre le sexisme est dénoncée comme politique et donc systématiquement disqualifiée. Cela agit comme ce que Roxane Dejours appelle une "force de dissuasion vis-à-vis des étudiantes et de leurs éventuelles velléités de résistance !

La lutte contre les discriminations doit être une priorité inscrite dans le projet stratégique des établissements. Le silence est le pire ennemi de la vérité. Un peu moins de la moitié des Universités déclarent ne pas disposer de cellule de veille et d’écoute, outil indispensable pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles mais également contre le harcèlement et l’ensemble des discriminations selon une enquête du syndicat étudiant UNEF publié le 18 juin 2020.

Le syndicat estime que ces dispositifs « ne prennent pas réellement en charge les violences racistes et LGBT phobes ». Sur les 39 dispositifs recensés, un peu plus de 20% mettent en place une cellule de veille et d’écoute contre TOUTES les discriminations.

Les principales propositions qui ressortent du Livre Blanc de la CGE sont de 3 ordres :

  • Féminiser les directions seules 15% des grandes écoles sont dirigées par des femmes.
  • “Tolérance zéro” des administrations des écoles. De plus il faut afficher explicitement dans la formation la question de l’égalité femmes-hommes. Cela nécessite, par exemple, la mise en œuvre de cours de mixité obligatoires comme c’est le cas dans l’école d’ingénieurs de l’université de Strasbourg, ECPM, propose une formation “Stéréotypes et enjeux de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes” de six heures, obligatoire pour les élèves de première année.
  • Mettre les étudiants au cœur du changement

Les étudiants se sont particulièrement illustrés ces dernières années à travers des associations et des mouvements lancés en interne. Parmi eux, on trouve “Paye ta fac” ou “Les salopettes” qui luttent contre le sexisme dans l’enseignement supérieur. On peut associer à ce mouvement celui des associations dédiées à la parité comme “HeForShe”, nées dans plusieurs écoles (Neoma, Essec, Kedge). Un mouvement qui “devrait s’amplifier dans les deux années à venir”, prédit la CGE.

Enfin, une fois n’est pas coutume, c’est dès le plus jeune âge que ces questions doivent être abordées pour éviter au maximum les biais de genre. Le livre blanc cite en particulier le travail des associations d’alumni dans l'ingénierie, “Elles bougent”, “Femmes@numérique” ou encore “Femmes ingénieures” qui mènent chaque année des actions de sensibilisation auprès des lycéennes.

Ainsi, en conclusion j’invite tous les acteurs de l’enseignement supérieur à s’engager aux 5 principaux axes d’action proposés par la Conférence des grandes écoles :

  • produire régulièrement un diagnostic sur l’égalité,
  • formaliser une stratégie et un plan d’action pour l’égalité,
  • transformer les écoles en modèle d’organisation égalitaires et inclusives,
  • lutter contre les discriminations
  •  favoriser les débats et les échanges sur la question de l’égalité femmes-hommes.

Je vous remercie."

 

 

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